les tribulations d'une perle
On connaissait depuis longtemps la passion sous influence de Schiele pour Klimt et ses principes de composition de la figure humaine. On avait sous-estimé l'ampleur de cette vénération. De Klimt, nous avions retenu la tour, les enchevêtrements, les décors richements ornementés d'or, les bijoux. Chez Schiele au contraire, l'air est de famille, mais les traits des visages prennent leur autonomie. Au-delà de la pudeur, leur représentation morbide du sexe féminin transfigure leur talent.
Regardez bien ces images, elles sont aisément identifiables, malgré la nudité de leurs personnages:
Egon Schiele Gustav KlimtLà où Klimt enveloppe ses personnages dans des décors dignes de fresques murales, véritables tapisseries humaines, Egon Shiele, lui, favorise le dénuement le plus total, allant jusqu'à faire disparaître l'entourage, le support, pour ne laisser que la maîtrise du trait. Celui-ci demeure la force magique d'Egon et celui qui a vu un de ses tableaux en "vrai" aura été fasciné par ce trait indécent, moins par ce qu'il représente que par sa virtuosité.
Et nous voilà dans un paradoxe incongru: des jumeaux que tout oppose. Au contenant de Klimt, Schiele favorise le contenu. L'objet qui porte disparaît au profit de la ligne pure, tendant vers la perfection.
Maintenant, regardez mieux celles-là, saurez-vous de qui est la quelle?
Troublant?
C'est le magnifique travail de recherche du musée Maillol à Paris, qui permet la mise à jour des esquisses érotiques de Klimt, qui à l'origine n'étaient pas destinées à être montrées. Klimt, à propos d’un de ses modèles, aurait déclaré un jour: «Elle a un corps dont le derrière est plus beau et plus intelligent que les visages de beaucoup d’autres». La parenté en devient encore plus évidente. Les femmes esquissées par Klimt sont les modèles de ses Judith, Eve et autres héroïne du baiser. Dessinées dans le relâchement de l'intimité de leur relation avec le peintre, souriantes et les yeux dans le vague, leurs traits racontent la douceur d'une caresse. Souvent, le peintre dessine ensuite un vêtement transparent sur le corps tant aimé. Nul fantasme dans cette nudité: uniquement des souvenirs d'atelier.
A l'inverse, le sexe et l'érotisme dans les tableaux achevés de Schiele ne sont pas le reflet de moiteurs complices. Les corps fatigués, les regards insistants, les poses agressives, mettent en demeure le spectateur: toi qui passe, contemple ma déchéance. Le corps humain devient le réceptacle d'un mal-être plus grand encore que le spectacle de son obscénité: son dédain puis son mépris de la société Viennoise qui l'incarcère pour "distribution de dessins immoraux", avant l'embrasement européen de la guerre de 14-18.
Egon Schiele, L'amour et la mort, musée Van Gogh d'Amsterdam du 25mars au 19 juin - www.vangoghmuseum.com
Gustav Klimt, papiers érotiques www.museemaillol.com
Mer 6 avr 2005
10 commentaires
j'étais sure que tu appréciais klimt et Schiele!!! Sérieux, j'y pensais l'autre jour, Klimt correspond tout à fait à ton côté sensuel. Doré, décousu, fauve et maîtrisé. Schiele, je le trouve trop vulgaire pour te correspondre (mais ce n'est qu'une vision personnelle, je n'ai jamais dit qu'il ETAIT vulgaire).
Néanmoins, je te trouve bien sage dans le choix des images. "Danae" aurait mieux convenu à l'érotisme de Klimt (hou le filou!)... pour voir danae : http://www.poster.net/klimt-gustav/klimt-gustav-danae-1907-2401976.jpg
Néanmoins, je te trouve bien sage dans le choix des images. "Danae" aurait mieux convenu à l'érotisme de Klimt (hou le filou!)... pour voir danae : http://www.poster.net/klimt-gustav/klimt-gustav-danae-1907-2401976.jpg
soph - le 06/04/2005 à 10h01
sophie, je suis une fervente admiratrice de Schiele depuis de longues longues années. J'aime sa soumise et transparente fragilité. D'abord pour le génie de son trait, ensuite effectivement pour ses auto-portraits comme le souligne Jean-Yves... j'aime que l'élève dépasse le maître.
Et je n'ai jamais aimé Klimt, bien trop sûr de lui à mon goût, trop Viennois et pas assez décadent. Trop ouvertement libertaire pour être honnêtement perverti. Danae lui correspond certes mieux, mais n'illustrait pas bien l'étrange similitude de leurs nus... si ressemblant et pourtant si diamétralement opposés. Ils me rappellent Ronsard tiens: jeune il exprime l'amour (esquisses de Klimt) vieux l'amour lui est un prétexte pour exprimer son art (nus de Schiele).
Merci de votre lecture attentive en tout cas, cet article me tient à coeur!
Avez-vous trouvé de qui est qui?
Et je n'ai jamais aimé Klimt, bien trop sûr de lui à mon goût, trop Viennois et pas assez décadent. Trop ouvertement libertaire pour être honnêtement perverti. Danae lui correspond certes mieux, mais n'illustrait pas bien l'étrange similitude de leurs nus... si ressemblant et pourtant si diamétralement opposés. Ils me rappellent Ronsard tiens: jeune il exprime l'amour (esquisses de Klimt) vieux l'amour lui est un prétexte pour exprimer son art (nus de Schiele).
Merci de votre lecture attentive en tout cas, cet article me tient à coeur!
Avez-vous trouvé de qui est qui?
adimacb - le 06/04/2005 à 10h44
J'aime beaucoup ses deux artistes...
enfin surtout Schiele :)
Klimmt, c'est beau, c'est sûr, c'est étonnamment maîtrisé...
Schiele c'est la beauté souffrante, dans l'abandon plutôt..
Plus vrai, plus sincère peut être aussi..
J'aime.
enfin surtout Schiele :)
Klimmt, c'est beau, c'est sûr, c'est étonnamment maîtrisé...
Schiele c'est la beauté souffrante, dans l'abandon plutôt..
Plus vrai, plus sincère peut être aussi..
J'aime.
Molly - le 06/04/2005 à 13h16
tiens étrange que tu n'aimes pas Klimt. Sur ce qui transparait de toi dans tes billets, il te correspond mieux.
Je ne sais pas si j'ai trouvé, je dirais que celui de gauche est de Klimt, même si le trait me semble trop gras. Vraiment j'hésite.
Je ne sais pas si j'ai trouvé, je dirais que celui de gauche est de Klimt, même si le trait me semble trop gras. Vraiment j'hésite.
soph - le 06/04/2005 à 16h01
Au fait, j'ai appris à connaitre Egon Schiele lorsque j'ai lu "Viande" de Claire Legendre. La couverture est de Schiele, m'a beaucoup troublé et j'ai donc fait des recherches là dessus.
Je suis p-e trop fleur bleue, je préfère la sensualité qui passe dans Klimt, je trouve que les tableaux de Schiele rendent les femmes encore plus nues, d'où le côté vulgaire pour mes chastes yeux (lol) C'est sans doute là qu'est son grand art.
Je suis p-e trop fleur bleue, je préfère la sensualité qui passe dans Klimt, je trouve que les tableaux de Schiele rendent les femmes encore plus nues, d'où le côté vulgaire pour mes chastes yeux (lol) C'est sans doute là qu'est son grand art.
soph - le 06/04/2005 à 16h04
Je trouve qu'il y a... chez toutes ces femmes qui dissertent sur l'art moderne une sensualité comment dire ? heu... débordante :-D :-D :-D
Bon, soyons sérieux ! rigolade à part, j'adore, et l'article, et les images, et les échanges.
Il est vraiment beau ce blog : on y traite de l'érotisme sous bien des facettes, mais on n'y perd jamais le nord. :-)
Bon, soyons sérieux ! rigolade à part, j'adore, et l'article, et les images, et les échanges.
Il est vraiment beau ce blog : on y traite de l'érotisme sous bien des facettes, mais on n'y perd jamais le nord. :-)
Raoul - le 06/04/2005 à 16h59
Merde, j'y pige rien à l'art môâ!!!
mateo - le 06/04/2005 à 17h25
troublant en effet, et superbe choix pour tes illustrations
honorius - le 17/06/2005 à 12h28
j'adore d'autant plus que klimt est un de mes peintres préférés...Merci donc pour ce petit voyage dans son monde de sensualité. Bisous
cendrine - le 21/07/2005 à 14h06
très interessant,mais à mon sens les autoportraits de schiele explique encore mieux son parcours graphique,une telle puissance sexuelle est exprimée,il se montre en tant qu'objet,je pense que cette idée est primordiale,"il a fait le tour de klimt" et à mon avis l'a dépassé.
à bientôt