Last days &
days last everything

adimacb@yahoo.fr

Jeudi 16 février 4 16 /02 /Fév 13:42
Je sais, l'image n'a pas grand chose à voir avec cette histoire magnifique que Mortelune vient de m'envoyer. Je ne résiste pas à l'idée de vous la proposer, en attendant que j'en trouve une autre, plus adaptée. Merci à toi Daniel de ton texte et bonne lecture à vous chers lecteurs... c'est plus que de la littérature érotique, c'est de l'amour que Mortelune vous livre là.



L'homme se tient debout devant la tombe. Il y a bien quelques personnes qui l'entourent, mais il est seul. La cérémonie est terminée depuis longtemps. Il est seul. Ceux qu’il ne peut considérer que comme des badauds partent. Il va rester là de longues heures, sans bouger. La perte de quelqu'un peut être très douloureuse. Dans certains cas, cette douleur n'est même pas présente. Juste un grand vide dans la tête, le cœur. Plus rien n'existe. Alors, l'homme reste là. Il attend. Il espère entendre une voix lui dire : « C'est beau ce que tu as fait ». Il attend.

Imaginez-vous tranquillement en train d'attendre un bus en retard. Pas d'énervement, juste une patience à toute épreuve. Vous survolez du regard les quelques personnes qui sont là, avec vous... Rien à signaler, des gens quelconques, ceux avec lesquels la conversation se résume à des considérations météorologiques de novices, pas très engageant, à moins d’être un extraverti forcené, ce qui est loin d’être mon cas.

En fin bref, bon, vous voyez le tableau ? Tout le monde a vécu ça un jour ou l'autre. Ca s'appelle « l'ennui profond du quotidien » ou le « train-train », c'est selon. C'est ce que je vivais ce jour là. Puis, une apparition, un rayon de soleil, un grand waw dans la tête... Elle !

Oui, je sais, c'est pas trop original, mais c'est ce que j'ai ressenti, vous comprenez ? Oui, vous comprenez ! Ca aussi, ça arrive à tout le monde... croiser soudain quelqu'un qui vous plaît au premier regard, sentir votre cœur se vider, puis se remplir, puis se vider,… Pire qu’une injection d’adrénaline directement dedans, le flash, quoi !

Elle arrive donc et va se placer dans la petite troupe, au coin opposé au mien. Coups d'œil furtifs, rester discret, après tout, je la connais pas. Elle me regarde aussi... Moi ? Oui, nos regards se croisent. Je dois l'agacer. J'arrête.

Le bus finit par se décider à arriver et nous montons dedans. Je vais m'installer dans le fond. J'aime bien le fond du bus, un excellent poste d'observation. Elle me suit et s'assied sur la banquette devant la mienne.

Bien, me dis-je, je vais pouvoir admirer ses beaux cheveux, découvrir peut-être quelques parcelles de cette nuque, de cette peau... Non, elle se retourne, elle me regarde, elle me laisse même pas le temps de reprendre mon souffle avant de me lâcher : « Tu me plais ! ».

Qu'est-ce que vous voulez répondre à ça ?

Rien...

L’instant s’est figé un moment. J’ai regardé ses yeux. Ils ne mentaient pas. J’ai vu sa bouche s’entrouvrir en ce que je pensais être un sourire. Elle avait une mèche de cheveux qui venait d’être remise en place par sa main délicate. Et…

Le temps s’est accéléré... Elle s'est redressée et, par dessus le dossier de la banquette, elle m'a embrassé, longtemps, une nouvelle éternité à vrai dire... Ce n’était pas un sourire, c’était une invitation, un appel.

Ca, c'était notre première rencontre... Je ne savais rien d'elle, rien du tout...

Ils sont assis à une terrasse, en bord de mer. Ils se parlent à peine. Les regards qu'ils échangent sont doux comme des sourires d’enfants. Ils sont jeunes. Ils donnent l'impression de se connaître depuis des années, comme s'ils avaient grandis ensemble. Leurs mains se caressent, leurs lèvres se joignent. Elle se lève d'un bond et se met à courir vers la plage. Il la poursuit en riant. Elle s'arrête au bord de l'eau, le provoque du regard. Il retire son t-shirt, ses chaussures, et court vers elle. Elle se dérobe au dernier moment, le pousse dans l'eau. Ils jouent, enfants insouciants. Image d'Epinal de l'amour, en toute simplicité, en toute sincérité.

Passé la première surprise, je me suis ressaisi un peu. J'ai réussi à bredouiller quelques mots. Elle m'a juste regardé en souriant. Un regard chargé de désir, de promesses et de rêves. Je ne sais pas si j'aurais été vraiment séduit par elle si elle m'avait demandé l'heure, du feu, ou mon signe astrologique. C’est trop con de demander ça pour aborder quelqu’un, d’un banal à faire fuir.

Mais là, elle m’a juste dit : « Tu me plais ! ». Vous vous rendez compte ? « Tu me plais ! », à moi ? Oui, à moi et rien qu'à moi. Pourtant, je ne suis pas une gravure de mode, plutôt banal. Attention, pas moche non plus, respectez mon semblant de fierté, mais banal. C'était la première fois que ça m'arrivait. Elle, en plus. Il fallait que ça soit elle.

Plus tard, nous sommes descendus du bus. Promenade sans but, main dans la main, baisers, caresses discrètes, de celles qui sont permises en public, histoire sans parole, juste les sens, le bien être, le bonheur de l'instant.

Par après, nous sommes rentrés chez moi... C'était toujours notre première rencontre et je savais toujours rien sur elle. Mais j'étais heureux. Vous vous posez des questions quand vous êtes heureux, vous ?

Il est assis chez lui, dans le salon, la tête entre les mains. Des larmes coulent doucement le long de ses joues. Pas de sanglots, pas de hoquets, pas de reniflements incongrus, juste des larmes qui s’écoulent, seules. C'est fini. Tout est terminé. Il regarde la pièce déserte de toute présence, les yeux perdus dans le vague, comme s’il contemplait des fantômes. Il n'ose pas regarder vers la chambre, pas maintenant. Il est là, nu, sale, émacié, mal rasé, épuisé surtout. Il pleure encore en se prenant la tête dans les mains. Plus tard, il se redressera, appellera quelqu'un. Un médecin ? La police ? Il ne sait pas encore. Il n'a plus envie de penser, pas pour le moment, parce que c’est fini.

Bien sûr, nous avons fait l'amour. Nous nous sommes abandonnés l'un à l'autre. D'abord, avec une passion proche de la bestialité. Je voyais son regard fou se poser sur moi quand elle se redressait en gémissant. Je devais sans doute lui rendre le même. Je ne souviens plus trop bien. Juste des bribes de sensations, de moments. Ses jambes s'enroulant autour de ma taille pour me donner son rythme, mes mains courant dans son dos caressant sa peau, étreignant ses seins, ses lèvres soudées aux miennes, nos langues entrelacées, le goût de sa sueur, qui se mélangeait à l’odeur de son sexe, sa peau me parlait, ses gémissements se contractaient,... Confusion totale des sens.

Nos corps ont fini par s'apaiser au bout de l'infini. Apaisés, mais pas rassasiés, nous avons recommencé, plus en douceur, plus en tendresse. Tout ça reste fort confus pour moi. Je sais juste que j'avais une impression de plénitude à chaque instant, que j’ai seulement commencé à ce moment à la découvrir vraiment, que j’ai exploré chaque parcelle de son corps magnifique, que j’avais ouvert tous mes sens pour elle. Elle souriait. La folie de ses yeux avait fait place à une douceur infinie. J’hésitais parfois à l’embrasser rien que pour plonger dans ce regard et lui rendre en une éclaboussure de bonheur. Douceur, douceur, douceur, et plénitude. Je ne la pénétrais pas, elle m’accueillait. Je ne la prenais pas, elle s’offrait. Et je m’abandonnais dans cette offrande, je me laissais porter par un rythme que nous étions seuls à entendre. Notre jouissance fut à l’image de cette tendresse, un long crescendo sans réel sommet.

Après, nous nous sommes endormis. Elle s’était enroulée sur elle-même au creux de mes bras, dans l’abandon de la confiance. Je crois que, avant de sombrer moi-même dans l’oubli, j’ai soudain compris ce que ça voulait dire d’être un homme.

Nous venions de faire l’amour et je ne connaissais même pas son prénom.

Ils font l’amour sans cesse. Son regard à lui est grave. Elle a les yeux cernés, son visage est creusé, sa peau est d’une pâleur effrayante. Ils font l’amour encore et encore. Il ne s’arrête que pour fumer de temps à autre une cigarette, boire un peu d‘eau. Elle l’attire à lui dès qu’il a terminé, de plus en plus faiblement, mais toujours avec ce désir dans ses yeux. Il lui rend ce désir avec tristesse, résignation. Il lui a promis. Ils iront jusqu’au bout. Il sait que c’est de la folie. Il secoue la tête et se recouche sur elle, reprend cette danse à la limite du macabre.

Le lendemain, j’ai appris son prénom. Il s’est gravé dans ma tête et n’en sort plus. Il me suffit d’y penser et tout chante en moi. Il m’arrivait de le prononcer doucement comme un soupir, comme un secret qu‘on a envie de partager.

Nous avons encore fait l’amour plusieurs fois avant qu’elle ne parte. Elle n’a pas voulu me donner son numéro, ni son adresse. Elle m’a juste dit qu’elle reviendrait et je n’en ai pas douté. Je n’ai même pas demandé quand. L’attente a commencé dès que je l’ai vue tourner au coin de la rue depuis ma fenêtre. Elle m’a jeté un dernier regard plein d’amour avant de disparaître. J’ai mangé un peu, tenté de regarder la télé, de lire un livre,... Son prénom m’obsédait. Puis-je vous le chuchoter ? C’était « Lorena », un prénom de déesse. Ca lui allait si bien…

Le sommeil s’est fait attendre ce soir là. Pourtant, j’étais épuisé. Le lendemain, j’ai eu l’impression fugace qu’elle était là. Ce n’était que son odeur dans les draps. J’ai enfoui ma tête dans le lit pour m’en imprégner.

J’ai attendu plusieurs jours qu’elle réapparaisse. L’angoisse faisait place à la tristesse, qui faisait place à l’espoir, qui faisait place à l’angoisse, mais jamais à la colère car je savais qu’elle reviendrait. Elle est enfin revenue comme si elle ne s’était absentée que quelques minutes. Nous nous sommes enlacés longuement, sans un mot. Je ne la connaissais toujours pas et j’étais à elle, rien qu’à elle.

Ils se regardent sans un mot. Ils se contemplent. L’un est le reflet de l’autre, du pur bonheur. Ils sont assis dans un restaurant et se tiennent la main en attendant les plats. Le serveur arrive. Ils mangent en silence pour ne pas rompre cette magie qui les entoure comme une bulle protectrice. Ils terminent. Lui s’allume une cigarette. Il semble un peu nerveux. Il fouille dans sa poche et en sort une petite boîte. Elle comprend très vite de quoi il s’agit. Ses traits se figent. Elle sort la bague, la regarde d’un air méprisant et la dépose dans l’assiette. Elle part. Il reste songeur. Pourtant il devrait comprendre qu’elle ne peut pas concevoir l’amour avec des liens si matériels. On ne possède pas l‘autre, on est possédé par lui. Il se lève aussi et laisse la bague dans l’assiette. Il court pour la rejoindre.

Nous avons vécu ce qu’on peut appeler une histoire magnifique. L’impression permanente que rien ne pouvait nous arriver. J’ai appris peu de choses sur sa vie, mais je savais tout de ses goûts, de son intelligence très vive, de sa joie de vivre, de son envie de ne pas se poser de questions, de ne pas en poser aux autres, aussi. Je me suis aussi laissé aller. Je l’ai suivie. J’ai compris ce qui me manquait tant, mais que je ne percevais pas: la sensation d’être aimé à ce point. Elle m’a ouvert les yeux, à moi, aveugle de naissance.

Notre histoire aurait pu durer des années, des siècles. Mais un jour, après avoir fait l’amour chez moi, elle est restée trop silencieuse. Elle avait l’air si triste que je me suis penché vers elle pour la serrer. Elle m’a repoussé doucement et m’a regardé droit dans les yeux. Elle n’était pas triste, elle avait peur. J’ai voulu la rassurer par mes gestes, par mes paroles, mais elle m’a fait taire. Elle m’a alors demandé cette chose insensée. Elle voulait que nous restions là, tous les deux, que je lui fasse l’amour jusqu’au bout quoiqu‘il arrive, que rien ne m’arrête. J’ai d’abord cru qu’elle plaisantait, mais son regard était trop sérieux. J’ai eu un vertige. Je n’ai pas posé de question. Je n’ai pas tenté de la raisonner non plus. Elle m’a fait promettre et j’ai promis. Pourquoi ? Je ne sais pas. Je devais le faire.

J’étais possédé, mais dans quel sens ?

Elle ne bouge plus. Il continue encore un peu. Elle n’a plus de réactions. Il se penche pour l’entendre respirer. Rien. Son coeur s’arrête aussi pendant un long moment. Il s’écroule sur ce corps désormais inerte. Il va rester là longtemps, figé dans une parodie d’étreinte. Plus tard, il se lèvera enfin, se dirigera vers le salon, allumera une cigarette. Pour l’instant, il n’arrive plus à bouger. Les amants se sont figés. La sculpture aurait pu être parfaite, mais un souffle anime encore un des deux corps.

Alors nous avons commencé ce rituel voulu par elle... Des heures durant, je lui faisais l’amour. Je dormais, elle veillait. Je mangeais, je buvais, elle restait là, en attente. Elle refusait tout sauf mon amour. Je la sentais partir peu à peu. D’abord ses caresses, puis ses baisers, puis son regard... tout s’éteignait au fur et à mesure. J’ai perdu la notion du temps. Nous étions confinés dans ma chambre, volets fermés. Je n’en sortais que pour manger, vite, ne pas la laisser seule trop longtemps. J’avais peur de l’inévitable. Vous me comprenez ? Elle m’avait fait promettre ! Je savais qu’elle irait jusqu’au bout, je devais faire de même. J’étais lié à sa volonté. Non, vous ne me comprenez pas ! Vous vous dites que j’étais fou, que j’aurais du la forcer à vivre, l’obliger à se nourrir, la faire sortir de ce rêve idiot de mourir en plein amour, au moins lui demander une raison valable de faire ce voyage insensé... Non, je ne pouvais pas... C’était elle qui me l’avait demandé ! Elle ! Ce n’était pas un sacrifice ! Je ne veux pas considérer ça comme un sacrifice. Je ne peux pas ! Comprenez-moi, je vous en prie !

Il se tient devant la tombe, attend toujours cette phrase qui le délivrera. Combien de temps va-t-il attendre ? Combien de temps va-t-il tenir ? Elle ne viendra plus et lui, il l’attend.
Par Mortelune - Publié dans : Le goût des autres
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